Le 17 octobre 2025, France 3 Auvergne diffusait un reportage consacré à la transformation de l’ancienne cité administrative de Clermont-Ferrand, et plus précisément du bâtiment qui abritait autrefois la CAF.
Dans cette séquence d’un peu plus de trois minutes, la chaîne publique met en avant un chantier qui incarne, selon la journaliste, « la ville durable » : un bâtiment des années 60 transformé en 105 logements locatifs, attendus pour 2027.
Un récit nostalgique et bien orchestré
Le sujet débute par des images d’archives de 1968. On y voit des Clermontois faire la queue devant le guichet de la CAF, symbole d’une époque où ce quartier était au cœur de la vie administrative.
L’effet est bien trouvé : nostalgie, mémoire urbaine, transition vers un futur présenté comme vertueux.
Vient ensuite Philippe Brunet-Debaines, directeur général de l’Ophis du Puy-de-Dôme (tendance de droite), maître d’ouvrage du projet.
Il y explique pourquoi la réhabilitation du bâtiment a été préférée à sa destruction.
Selon lui, « réutiliser l’existant, c’est limiter l’étalement urbain et réduire l’empreinte carbone ».
L’argument écologique, classique mais désormais incontournable, sert ici de justification à une opération d’aménagement pourtant très encadrée et subventionnée.
Puis François Lareyre, architecte du projet, guide la journaliste dans un appartement témoin.
L’accent est mis sur la luminosité, la hauteur sous plafond et la qualité des matériaux. Une démonstration calibrée pour illustrer la reconversion d’un immeuble d’après-guerre en logements contemporains, énergétiquement sobres et socialement « mixtes ».
Le reportage se conclut sur une phrase à la portée symbolique :
« La ville de demain se construira peut-être en recyclant celle d’hier. »
Une phrase lourde de sens… mais aussi de contradictions.
Deux poids, deux mesures : la muraille de Chine oubliée
Car une question s’impose immédiatement. Pourquoi cette logique de réhabilitation, si vertueuse lorsqu’il s’agit de l’ancienne cité administrative, n’a-t-elle jamais été appliquée à d’autres bâtiments de la même époque ?
L’exemple le plus frappant reste celui de la célèbre « muraille de Chine », dont la démolition s’est achevée fin 2023.
Construite en 1961, cette barre de 354 logements reposait sur les mêmes matériaux, la même conception et le même type de structure que le bâtiment aujourd’hui « recyclé ».
Pourquoi, alors, ce deux poids deux mesures ?
La démolition de la muraille avait été justifiée par des arguments d’insalubrité et de rénovation urbaine.
Mais beaucoup y ont vu autre chose : une opération de recomposition sociale, voire politique.
La destruction de ce grand ensemble a permis de disperser ses habitants, pour la plupart issus de milieux populaires, dans d’autres quartiers de Clermont-Ferrand, voire dans des communes périphériques déjà fragilisées.
Résultat : la délinquance, loin d’être éradiquée, s’est simplement déplacée.
Assemblia, un bailleur très politique
Il faut rappeler que la démolition et la gestion de cette opération étaient pilotées par le bailleur Assemblia, structure dirigée comme nous l’avons déjà montré à plusieurs reprises, par des cadres issus du Parti socialiste local.
Un bailleur dont les choix d’intervention et les priorités urbaines apparaissent souvent en parfaite cohérence avec les orientations politiques de la municipalité clermontoise.
Cette proximité interroge d’autant plus sur la sélection des projets jugés « exemplaires » et sur la manière dont certains chantiers bénéficient d’un traitement médiatique favorable, tandis que d’autres disparaissent sans débat.
Une écologie à géométrie variable
Était-ce un choix purement urbanistique, ou une stratégie de « nettoyage » destinée à redorer l’image d’un quartier jugé problématique ?
Était-ce aussi un signal adressé à l’électorat écologiste, plus sensible aux mots « réhabilitation » et « empreinte carbone » qu’à la réalité sociale de ces chantiers ?
La réhabilitation sélective de certains bâtiments pose question.
Car si la ville de demain doit vraiment se construire « en recyclant celle d’hier », encore faudrait-il que ce principe soit appliqué avec cohérence.
Sans clientélisme, sans calcul politique, et sans oublier que derrière chaque façade, il y avait et il y a encore, des habitants.






