tram bus essai
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Inspire : communication rodée, questions éludées

Au commencement, il ne s’agissait que d’un BHNS ou Bus à Haut Niveau de Service. Mais ce terme, jugé sans doute trop technique et peu vendeur, a disparu des discours officiels au profit d’un mot plus flatteur : « tram-bus ». Un glissement sémantique soigneusement orchestré depuis un an pour mieux préparer les esprits à la disparition progressive du véritable tramway, celui sur rails, au profit d’un système hybride, plus économique pour la collectivité, mais aussi plus fragile technologiquement.

BHNS 2020
BHNS 2020

Le reportage de France 3 du 13 octobre 2025 : un outil de promotion plutôt qu’une enquête

Dans un extrait du journal de France 3 Auvergne, titré « Le tram-bus en phase d’essai », la chaîne publique locale a livré un reportage dont le ton s’apparente davantage à un spot publicitaire institutionnel qu’à un travail journalistique critique.
Le sujet, pourtant, mériterait qu’on s’y attarde : le projet Inspire, son coût réel, ses retards, et surtout la réalité technique du matériel présenté comme révolutionnaire.

Un conducteur ambassadeur aux propos bien calibrés

Le reportage met en avant Laurent, conducteur à la T2C depuis 23 ans, chargé de participer à la promotion du futur tram-bus. Le ton est enthousiaste : il parle d’un véhicule « puissant », « souple », « agréable à conduire ».
Tout semble parfaitement rodé : les mots sont simples, positifs, rassurants.
Mais aucun élément factuel n’est livré sur les limites de l’autonomie ou la réalité de la maintenance, alors que ces bus sont dotés de deux batteries lithium-ion, offrant 50 km d’autonomie seulement.

Une autonomie dérisoire compensée par huit stations de recharge rapide

Cette autonomie très réduite oblige à installer huit stations de recharge rapide le long des deux lignes dédiées pour éviter un retour au dépôt.
Nicolas Dichamp, chargé du projet matériel roulant et du système de charge à la T2C, explique que les temps de recharge « varient selon qu’il s’agit d’un arrêt de passage ou d’un terminus ». Il ajoute qu’en « mouvement voyageur », le bus recharge pendant le temps d’arrêt.
Mais rien n’est précisé sur le pourcentage réel d’énergie récupérée durant ces pauses.
Recharge partielle ou complète ? Que représentent les 3 à 7 minutes de charge en terminus ?
Le flou technique demeure, et aucune donnée chiffrée n’est communiquée. Une omission révélatrice d’une communication plus politique que technique.

Les slogans habituels pour masquer les limites du projet

Le reportage déroule ensuite le discours bien connu de la métropole et du SMTC-AC :
fluidification du trafic, réduction des temps d’attente, amélioration du confort, bénéfice pour le quotidien des usagers.
Mais la question des autres modes de déplacement : automobilistes, piétons, cyclistes est totalement absente.
Le projet Inspire a profondément modifié la circulation dans de nombreux quartiers, supprimé des voies de circulation et des places de stationnement, sans qu’aucune alternative crédible ne soit présentée.

140 passagers et un confort « pensé pour s’y sentir bien »

Chaque tram-bus pourra transporter jusqu’à 140 passagers.
Madame Fleschmann, responsable communication du projet Inspire, reprend la parole pour insister sur le confort et l’esthétique du véhicule : plus lumineux, plus silencieux, plus agréable.
Un discours lisse et maîtrisé, cohérent avec la ligne de communication de la métropole : valoriser l’image, éviter les sujets qui fâchent.
Rappelons que cette même responsable avait reconnu, il y a quelques mois, que la communication sur Inspire pendant la crise du COVID avait été « en dessous des attentes ».
Depuis, les équipes semblent avoir pris leur revanche médiatique : chaque séquence, chaque mot, chaque image est calibré pour rassurer et séduire, pas pour informer.

Une mise en service « prévue » ou « espérée » ?

Le reportage se conclut sur une phrase qui résume à elle seule toute l’incertitude du projet :
la mise en service « devrait avoir lieu le 20 décembre ».
L’emploi du conditionnel trahit la réalité : tous les bus ne seront pas livrés à cette date, et la T2C devra probablement jongler entre essais, livraisons partielles et ajustements techniques.
Le calendrier, comme souvent, s’annonce plus politique que pratique : tenir la date symbolique avant la trêve des fêtes, quitte à opérer avec un parc incomplet.


Une opération de communication renforcée sur le plateau de France 3

Le même jour, dans la continuité du reportage, France 3 reçoit en plateau Guillaume Astaix, directeur grand projet et maîtrise d’ouvrage du SMTC, pour une interview en direct.
Une nouvelle démonstration d’opération de communication parfaitement coordonnée, voire d’un martèlement médiatique destiné à renforcer le discours institutionnel.

Guillaume Astaix explique qu’il faut « tester brique par brique » avant d’assembler l’ensemble pour vérifier si tout « s’imbrique bien ». Il justifie ainsi la phase actuelle de tests, qui doit conduire à la marche à blanc (tests sans passagers).
Il confirme que la mise en service aura bien lieu le 20 décembre, affirmant qu’il n’y a aucun retard sur les travaux.
Son intervention, alignée mot pour mot sur le reportage précédent, n’apporte aucune information nouvelle, si ce n’est un détail technique sur le recrutement désormais tourné vers les électromécaniciens plutôt que les mécaniciens.
Un changement révélateur : qui dit électromécanique, dit pannes plus fréquentes et interventions plus coûteuses qu’avec un simple moteur thermique.

Astaix reconnaît tout de même un retard de livraison sur les 40 bus, tout en minimisant le problème. Selon lui, cela serait « malheureusement assez classique dans le domaine des transports ».
Il invoque des difficultés industrielles liées à la relocation de l’usine de Biélorussie vers le Portugal, conséquence de la guerre en Ukraine, ainsi que le succès international du modèle qui saturerait les chaînes de production.
Autant d’arguments qui visent surtout à normaliser le retard et à préserver l’image du projet, dans une communication parfaitement maîtrisée de bout en bout.


Une communication de vitrine, une transparence absente

Derrière les vidéos léchées et les reportages complaisants, le projet Inspire reste marqué par des incertitudes techniques, financières et logistiques.
Le changement de nom, le storytelling autour de la transition écologique, les témoignages choisis : tout participe d’une stratégie de persuasion visant à transformer un chantier controversé en succès d’image, les élections municipales 2026 pointant à l’horizon.
Mais pour les habitants, la réalité se mesure sur le terrain : perte de mobilité, circulation saturée, livraisons compliquées, et sentiment d’avoir été mis devant le fait accompli. Et il ne faut pas oublier que les travaux reprendront jusqu’à mi 2027 une fois la période d’élections passée.

Planning Inspire
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